Firmin Massot (1766-1849)

Firmin Massot est aujourd’hui reconnu comme l’un des principaux peintres genevois de son temps, initiateur d’un art du portrait dans sa définition moderne, dès la fin du XVIIIe siècle.




Fils du maître et marchand horloger André Massot et de Marie-Catherine née Boisdechêne, Firmin Massot est inscrit en janvier 1778, à l’âge de onze ans, à l’Ecole publique de dessin de Genève. En 1780, il suit les cours de l’Ecole de dessin d’après nature (ou d’après le modèle vivant) fondée par la Société des Arts et a pour condisciples Jacques-Laurent Agasse et Adam Töpffer. Ses professeurs sont Jacques Cassin, Georges Vanière, Louis-Ami Arlaud-Jurine, François Ferrière et Jean-Etienne Liotard. Dès avril 1780, il prend part aux concours annuels organisés par l’Ecole de la Société des Arts pour ses élèves. En 1781, il obtient le troisième prix et, en 1782, une mention honorable. En novembre 1787, il est admis, après concours, dans la classe de dessin d’après la bosse nouvellement créée. Son talent est dès lors reconnu par ses contemporains ; aussi, de novembre 1787 à juin 1788, accompagne-t-il le conseiller François Jallabert en Italie. A Rome, il retrouve ses compatriotes Jean-Pierre Saint-Ours et Gabriel-Constant Vaucher.
 
En 1789, il présente au premier Salon genevois une Etude d’après nature peinte à l’huile. En 1790, il obtient le Grand Prix d’après nature décerné par la Société des Arts. Au Salon de 1792, il propose trois portraits. Dès cette époque, il élabore des œuvres en collaboration avec ses compagnons d’études Jacques-Laurent Agasse et Adam Töpffer ; celles-ci lui valent un succès certain, et, en novembre 1794, il est invité à séjourner et à travailler à Mézery, près de Lausanne, auprès de Madame de Staël. En avril 1795, à Genève, il épouse Anne-Louise Mégevand alors âgée de dix-sept ans, dont il aura trois enfants.
 

Massot participe au Salon de 1798 avec un portrait et La Couseuse (dite aussi La Brodeuse). Désormais adjoint au Comité de dessin de la Société des Arts, il est nommé directeur des Ecoles de dessin de la ville de Genève. Dès la fin des années 1790, il donne également des leçons privées ; parmi ses élèves, Nancy Mérienne et, dès 1805, Amélie Romilly (plus tard Amélie Munier-Romilly). En 1800, il devient membre ordinaire de la Société des Arts. 
 
En octobre et novembre 1807, Massot est à Paris avec Adam Töpffer et rencontre François Gérard, Jean-Baptiste Isabey et Jules-César-Denis Van Loo. En 1812, en voyage à Lyon, toujours en compagnie de Töpffer, il est reçu par le peintre Fleury François Richard et les membres de l’Académie des lettres et arts de la ville. En 1813, il est appelé à Aix-les-Bains pour faire le portrait de la reine Hortense et y retrouve Fleury François Richard et Jean-Antoine Duclaux.
 
Dès 1816, Massot expose régulièrement aux Salons organisés par la Société des Arts à Genève. En 1828 et 1829, il séjourne à Londres, Liverpool et Manchester, puis en Ecosse; il retrouve à Londres Agasse et les frères Chalon, fait la connaissance de Thomas Lawrence et reçoit de nombreuses commandes de portraits. De retour à Genève, il présente aux Salons non seulement des portraits mais aussi des peintures de genre. Il expose à Londres en 1830 et 1836 ainsi qu’à Lyon en 1833. En 1844, il devient membre émérite de la Société des Arts. Bien que l’affaiblissement de sa vue l’empêche désormais de peindre, il participe avec un esprit toujours vif, jusqu’à son dernier jour, à l’activité intellectuelle de la cité.
 

Des ressources financières familiales insuffisantes sont à l’origine de l’instruction essentiellement locale de Massot. Toutefois, à l’Ecole de dessin de la Société des Arts, il a d’excellents professeurs formés à Paris auprès de Joseph-Marie Vien. A ses débuts, il se partage entre la peinture de genre et le portrait, puis ce dernier l’emporte et se développe magnifiquement dans les années 1790, à travers les collaborations qui réunissent le jeune artiste et ses amis, le peintre animalier Agasse et le paysagiste Töpffer. Exécutées pour de riches commanditaires, ces œuvres communes où les personnages, peints par Massot apparaissent en pied sur fond de paysage, auprès de leurs animaux favoris, rappellent les «conversation pieces» des maîtres anglais du XVIIIe siècle. Parallèlement, Massot élabore des portraits en buste peints à l’huile ou dessinés au format de grandes miniatures, réminiscences de l’œuvre de son maître Louis-Ami Arlaud-Jurine.
 


Dès 1800, le peintre exécute des portraits en pied et des portraits dits «jusqu’aux genoux», ainsi que des portraits en buste destinés au cercle familial, d’où l’aspect spontané et informel qui les caractérise. Les fonds figurent soit un paysage – souvent peint par Töpffer avec lequel il collabore ainsi jusque vers 1819 –, soit un intérieur avec divers accessoires (livres, nécessaire à écrire, objets d’art) symbolisant alors, outre une aisance financière certaine, les hautes charges politiques, juridiques, administratives exercées par les modèles. Parmi ceux-ci, nous trouvons la plupart des notables genevois et leur famille, ainsi que des étrangers de passage à Genève, français, britanniques, allemands, polonais. Massot portraiture également à plusieurs reprises son épouse, ses enfants, ses proches, ses élèves. Son habileté à faire des portraits ressemblants tout comme la qualité technique de sa peinture ont été louées par ses contemporains. Pendant plus d’un demi-siècle, faisant siens les préceptes de ses maîtres, Massot aborde le portrait dans sa définition moderne, privilégiant l’idéal de ressemblance.
 

Jusque dans les années 1815–1820, l’expression de la personnalité des modèles est soulignée par une pose ou un fond précisément choisis. Les portraits élaborés par la suite, d’une facture plus libre, accordent au visage des modèles une importance accrue ; les fonds sont désormais souvent d’une grande sobriété. Dans les années 1830, s’inspirant des «fancy pictures» anglaises, Massot renoue avec la peinture de genre (La Lecture de l’Almanach est présentée au Salon de Genève en 1832, à Lyon en 1833, à Londres en 1836). 
 
Peintes ou dessinées, les œuvres de Massot sont rarement signées. Elles sont aujourd’hui conservées dans des musées et des collections privées du monde entier. 
Fort appréciées du vivant de l’artiste par les plus grandes personnalités de son temps, elles furent admirées tout au long du XIXe siècle. Puis, au XXe siècle, différents auteurs ont prétendu, à tort, que le peintre avait succombé à la facilité et au succès. Ces allégations reposent sur une méconnaissance de l’œuvre et de la personnalité de l’artiste ; elles sous-tendent également une critique sociale : on reproche alors au portraitiste une clientèle issue principalement de la bourgeoisie et de l’aristocratie. 
Aujourd'hui, à travers ses influences, ses voyages et ses rencontres, Massot apparaît comme un artiste de dimension européenne et un membre fondateur de la première Ecole genevoise de peinture.
 
 
 
Portrait de Mme Marc-Louis Rigaud, née Marie-Anne Martin, vers 1805-1810, huile sur bois, H. 41 cm ; L. 34,9 cm, collection privée, ©photo Denis Ponté. Portrait de Marc-Louis Rigaud (1754-1844), huile sur bois, H. 41 cm ; L. 34,9 cm, collection privée, ©photo Denis Ponté. Portrait d'Amélie Munier-Romilly (1788-1875), vers 1818, huile sur toile, H. 68 cm ; L. 57 cm, collection privée, ©photo Denis Ponté. Portrait de Mme Jean-Conrad Hottinguer, née Martha Elisa Redwood (1774-1830), 1808, huile sur toile, H. 30 cm ; L. 26,3 cm, collection privée, ©photo Renan Cholet. Portrait de Jacob-Louis Duval (1797-1863), vers 1820-1825, huile sur toile, H. 29,6 cm ; L. 25,8 cm, collection privée, ©photo Denis Ponté.